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Un « retour à la normale », une ambition suffisante?

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Crédit photo ART

L'Autorité de Régulation des Transports sort son troisième rapport. Il dresse un panorama du transport de voyageurs en 2022 et de son évolution depuis 2019, en mettant en exergue, de façon transversale, les retombées de la crise sanitaire sur les différents modes de transport, la qualité des services fournis à l’usager et l’impact environnemental du secteur.

Tous les modes de transport connaissent un regain de leur fréquentation

Première leçon tirée de ce rapport, le transport de voyageurs en France retrouve, en 2022, quasiment son niveau antérieur à la crise sanitaire, notamment sous l’effet du dynamisme du transport ferroviaire. Tous les modes de transport connaissent un regain de leur fréquentation (respectivement de 36,5 % et 14,2 % par rapport à 2021 pour le ferroviaire et la voiture) ; le transport ferroviaire atteint une part modale record de plus de 10 % et une fréquentation supérieure à celle observée en 2019. Les transports en commun routier et aérien restent en deçà de leur niveau de 2019.

Hormis le rebond ferroviaire observé, la crise sanitaire ne semble pas avoir bousculé la structure du transport de voyageurs, le véhicule particulier restant le mode de transport privilégié avec une part modale de 83 %. En dépit des progrès réalisés, les transports collectifs peinent à rivaliser avec le transport individuel qui demeure très largement plébiscité par nos concitoyens.

Une dégradation importante et générale de la ponctualité des services

Une tendance lourde que les efforts en faveur des transports collectifs ne parviennent pas à inverser, ce d’autant, et c’est la deuxième leçon tirée du rapport, que l’année 2022 se caractérise par une dégradation importante et générale de la ponctualité des services par rapport à l’année précédente et 2019. Si la ponctualité des services ferroviaires, aériens et routiers s’était fortement améliorée au cours de la crise sanitaire en raison, notamment, d’une diminution significative du trafic, cette tendance s’inverse dès 2021, notamment pour les services librement organisés domestiques ou internationaux.

Des dimensions structurelles (état et âge du réseau et du matériel roulant, gestion en gare) et plus conjoncturelles (manque de personnel, difficulté d’anticipation de la reprise du trafic), internes ou externes (conditions climatiques, mouvements sociaux) aux transports sont invoquées selon les secteurs.

Des transports toujours trop émetteurs

Cette reprise, et c’est la troisième et dernière leçon, met également un terme à l’amélioration observée en matière d’impact environnemental du secteur lors de la crise sanitaire. Le transport de voyageurs et de marchandises émet 130,5 Mt eCO2 en 2022 (+ 2,3 % par rapport à 2021), dont 94 % proviennent du transport routier (52 % du véhicule particulier). La trajectoire suivie par les émissions des transports appellerait d’importantes mutations des pratiques de mobilités pour une décarbonation du secteur; il ne s’agit pas uniquement de respecter les objectifs de notre Stratégie nationale bas carbone, mais également de songer à préparer l’avenir en termes de report modal.

Si les transports demeurent dominés par le véhicule particulier, et si celui-ci devait demeurer thermique (et vieillissant), il est dorénavant à peu près certain que les objectifs de réduction de CO2 ne pourront pas être tenus en 2030 (le fameux "Fit for 55", soit une diminution de 55% des émissions), a fortiori la neutralité carbone à l’horizon 2050.

 

2ème Partie -------------------

DES RAISONS D'ESPERER? 

Des Serm. pour la multimodalité

Plusieurs projets de nouveaux services express régionaux métropolitains (SERM) ont émergé au cours des dernières années, sans que l’on ait beaucoup de recul; mais certains collectifs comme « Objectif RER Métropolitains » a identifié l’expérience de 70 réseaux RER européens (et une trentaine de projets en France). Prometteur ?

« Sans quantification, toutefois, de leurs bénéfices socio-économiques attendus, les projets de SERM, car il s’agit bien d’une coordination à grande échelle (celle de « l’aire métropolitaine », Ndlr) - de services concourant à un transfert modal vers les transports collectifs. Et ceci même s’ils « s’appuient prioritairement sur une renforcement de la desserte ferroviaire ». Destinés à mobiliser les transports collectifs, et, le cas échéant , d’autres solutions complémentaires comme le covoiturage, les SERM doivent permettre un « « choc d’offres » visant à mieux relier périphéries et métropoles, un cloisonnement qui constitue le grand échec de nos politiques d’urbanisme et d’aménagement du territoire.

L’ambition nationale ainsi portée a donné lieu à l’adoption d’une loi sur les SERM fin décembre 2023. Si les études à l’origine des 15 projets les plus avancés s’accordent autour d’un enjeu commun de favoriser l’usage de modes collectifs ou actifs pour les mobilités interurbaines et urbaines, « elles restent cependant sommaires, et les investissements prévus peu corrélés à la fréquentation attendue » nous indique l’autorité de régulation. Sans compter le financement de ces projets, si des études plus convaincantes étaient présentées, demeurerait la grande inconnue de l'équation.

« Pour répondre aux objectifs fixés, l’offre ferroviaire des SERM devra se coordonner avec les solutions de mobilités actives et collectives offertes en milieu urbain et interurbain, qui apparaissent aujourd’hui très hétérogène selon les projets. D’une part, les réseaux de bus, tramways et métros sont relativement concentrés sur le cœur des métropoles, avec une présence plus limitée dans leurs périphéries, même s’ils offrent déjà une accessibilité moyenne à forte en termes d’amplitude horaire et de cadencement pour plusieurs projets de SERM. D’autre part, la densité de l’offre de réseaux cyclables, affichée comme un objectif pour accompagner le développer des SERM, est aussi hétérogène entre agglomérations. Enfin, cette coordination apparaît essentielle pour que les SERM permettent une réduction de l’usage du véhicule particulier, notamment en cas de saturation des réseaux routiers ».

Autre projet, autre espoir…

Début 2023, le Gouvernement a lancé des travaux relatifs à la mise en place d’un billet unique dans les transports en France. Cette démarche s’inscrit dans la lignée d’initiatives locales, nationales et internationales visant à rendre plus attractifs et faciliter l’accès des usagers aux transports collectifs, en diminuant les barrières économiques (mesures d’adaptation tarifaires) et freins techniques (démarches de développement de supports uniques) à leur utilisation. Les retours d’expériences de ces initiatives peuvent être riches d’enseignements et éclairer les décideurs publics lors de leur mise en œuvre.

Les politiques d’adaptation tarifaire semblent avoir un impact positif sur l’attractivité des transports en commun. Ces politiques, qui reposent sur des réductions tarifaires et des tarifications sociales et/ou solidaires, emportent généralement l’adhésion des usagers, sans pour autant que la variable « coût » soit prépondérante dans les choix modaux et les attentes de ces derniers. Si elles répondaient historiquement à un souci d’équité sociale et territoriale en matière d’accès aux services publics de transports, elles ont vu leurs objectifs évoluer depuis les années 2010 et sont de plus en plus instaurées à des fins de report modal et de contribution à la diminution de l’impact environnemental des pratiques de mobilité. Si elles se traduisent quasi-systématiquement par une hausse de la fréquentation, ces politiques s’accompagnent toutefois d’un impact limité en matière de report modal vers les transports collectifs. Elles présentent par ailleurs, dans certains cas, l’écueil de priver les gestionnaires de services de mobilité de tout ou partie de la source de revenu que constituent les recettes et d’un levier de modulation de la demande.

Les mesures d’intégration tarifaire ou la mise en place de supports uniques entendent généralement simplifier le parcours des voyageurs pour favoriser le report modal de la voiture individuelle vers les transports collectifs dans un objectif global de réduction de l’impact environnemental des mobilités. L’impact de ces mesures, peu documenté, est positif sur la qualité de service et l’accessibilité des transports collectifs (démarche d’achat et de validation des titres de transport facilitée, diminution des temps d’attente et de parcours des usagers notamment). Si leur déploiement semble essentiel à la conservation de l’attractivité du mode ferroviaire et des autres transports en commun par rapport à un mode routier qui s’est doté de technologies telles que le télépéage et le paiement par carte bancaire, il se heurte toutefois à des coûts de développement et d’adaptation des infrastructures (notamment l’interopérabilité entre des systèmes de billettique distinctes) et peut s’avérer long à mettre en œuvre.

Ainsi le titre unique pourrait favoriser l’interconnexion entre services ferroviaires, tout en évitant certains des écueils constatés dans le cadre d’autres initiatives similaires (trains bondés, recettes commerciales en forte baisse), par la restriction des politiques d’adaptation tarifaire à une cible plus ouverte aux objectifs de décarbonation des transports mais aussi moins motorisée que le reste de la population.

EN GUISE DE CONCLUSION

Le secteur des transports est le principal émetteur de CO2, bien devant l’agriculture ou l’industrie. L'ART ne peut ignorer ce constat, d’autant qu’il dispose de plusieurs leviers pour accompagner la transition écologique des transports.

Commençons par le ferroviaire. En œuvrant en faveur de la performance du réseau et de l’efficience des gestionnaires d’infrastructures essentielles, l'ART entend contribuer à rendre ce mode plus attractif en termes de qualité de service et de coûts. En accompagnant l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs, d'autre part, il facilite l’entrée de nouveaux acteurs afin de développer les trafics, l’offre et de stimuler l’innovation. In fine, Régulation rime avec augmentation des performances écologiques des solutions proposées. 

Idem pour les transports routiers? Des services librement organisés viennent compléter l'offre, sans que, d'ailleurs, on ne considère qu'ils concurrencent le train. Pour être vraiment à la hauteur des enjeux, il faudrait toutefois les gares routières accompagnent le mouvement.  

Mais au-delà de ces leviers traditionnels, le régulateur peut également favoriser l’intermodalité en accompagnant le développement des services numériques de mobilité, c’est-à-dire des appli qui servent à identifier le meilleur itinéraire, consulter des horaires, comparer les prix des billets et acquérir des titres de transport.

On n'échappe pas noon plus à un autre sujet - et celui-ci non plus ne date pas d'hier. Celui de l’articulation entre un réseau ferroviaire considéré performant, y compris en milieu interurbain, et les solutions de mobilités collectives (BHNS, métro) et actives (vélo) en milieu urbain. Cette amélioration constitue l’un des facteurs clés de succès des projets de SERM. La référence à l'outil proposé en 2000, par la loi Solidarité et Renouvellements Urbains s'impose à ce stade. Pour mobiliser au nivezau de l'aire métropolitaine, métropole, région et intercommunalités doivent être dans la boucle.

 

ART, combien de divisions? 

En 2015, lorsque l’Autorité ne régulait que le seul ferroviaire, son budget était de 11 M€ pour un peu plus de 62 agents. En 2024, alors que l’ART régule six secteurs, il est de 15 M€ pour 102 agents. 

 

Auteur

  • Elena Novikova
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